Messieurs Delmotte positions himself somewhere between reality and imagination, between genius and dilettantism.

Distinguishing himself through a formal dress code, poker face expression and meticulously combed hair, Messieurs Delmotte presents himself as a dashing character (a double) that surprises his audience with – unpredictable and absurd – gestural discoveries. And yet such gaiety and nonsensical behavior betray an existential and poetic revolt.

Messieurs Delmotte engages himself in a hilarious and heroic battle dealing with objects, humans or animals alike. In so doing, he undermines ‘the rules of the game’.

Messieurs Delmotte is far from a newcomer to the art world.

His video productions, photographs and installations have been shown in solo and group exhibitions throughout the world and of course Belgium, where he is also well known for his mixed media parties.

The deadpan, Buster Keaton-like mystery artist poses as a real dandy: he is irresistibly charming and as elusive as ether. His dedication gives way to what he cannot suppress.

His actions are so blatantly topical, so banally urgent they can’t be postponed. They have to take place, then and there.

He translates his unbridled naughtiness, his love of danger and way of sneering at the institutionalized art world into singular actions that result in a one-part narrative image.

Coarse and crude, his videos make a mockery of just about everything. They stand aloof from smooth perfection and are produced with the simplest of audio-visual means and a unity of time, place and action.

Mimicking the world of animals and objects, Messieurs Delmotte is a great pretender whose whimsical feats need no explanation–they’re just absurdly cheerful and dogged. He repeats his actions on several occasions, so that one can see slight variations of him walking in fountains, putting buckets of water on his head or chasing cows.

He’s at his best when interacting with trees, butting heads with them or climbing a stepladder and leaping into them. The results are straightforward and rude but also pure and even poetic; Messieurs Delmotte’s videos are absurd one-acters.

In 1998 he gave a video-sequence the generic title of Flying Chickens.

This title was then reused for a video-installation at Argos (“Rather a pretext for contextualizing than for conceptualising the work into the framework of an exhibition”, according to Messieurs Delmotte).

At Argos, Flying Chickens consisted of 15 monitors but it could just as well have been made up of 152: the screens were just a set-up for showing a certain obsession – or rather, a ceaseless fixation. Many artists have been inspired by the air, the fall or the jump in the creation of their individual myth.

Interview du 31 janvier 2021


De Messieurs Delmotte – Membre de l’Artisterie – Bruxelles, par Morgan Labar – Critique et historien d’art – Paris, à l’occasion de son exposition intitulée « ALL YOU CAN EAT! » à la Design Station et organisée par la Province de Liège.

Ce projet dialogue avec l’exposition prospective de Andy Warhol intitulée « Warhol. The American Dream Factory » (02/10/20 – 18/04/21), située à la Boverie.

Morgan Labar : Qu’est-ce qui vous arrête en premier lieu chez Warhol, pour vous ? Est-il un artiste majeur dans l’histoire de l’art ?

Messieurs Delmotte : Assurément, et cela, particulièrement dans l’histoire de la mémoire collective, tout autant que l’histoire de l’art ! Andy Warhol est-il un artiste majeur ? Pour reprendre la citation de Jean Baudrillard : « Andy Warhol… Je dirais non ! Mais un grand homme vivant de son temps ». Francis Picabia et Marcel Duchamp inventent déjà un système d’antithèse intellectuelle inesthétique pour déjanter la modernité. Ils font de la critique le cœur de leur pratique artistique. Mieux, ils inventent la critique de l’histoire de l’art. « La Fontaine » de Marcel Duchamp consistant en un urinoir en porcelaine au sol renversé, signée « R. Mutt » et datée de 1917, au final, invite le spectateur à uriner sur une prédite « sculpture », hum ! Andy Warhol stigmatise et signale la fin de la modernité esthétique axée sur le problème de la communication.

ML  C’est-à-dire ?
MD  Quand la Province de Liège m’a proposé cette exposition autour de Warhol, j’ai regardé de près les Marilyn. Le tramage en particulier, puisque qu’en sérigraphie (via l’Offset), on part d’une photographie existante que l’on agrandit. Aujourd’hui, on utilise Photoshop, etc. En très gros plan, dans les trames des Marilyn de Warhol, on sent très bien que c’est travaillé à la main. Les paupières, les sourcils, les lèvres, tout est marqué. L’une n’est pas l’autre. Les traits sont encore légèrement différents. Il y a encore son « coup de patte ». On le reconnaît, encore, étrange. Quand on regarde de près les Marilyn, on ne voit que la bouche, les paupières, c’est à chaque fois un seul trait. Elles ne sont pas toutes identiques.

ML  Vos Marilyn-Warholiennes ne sont guère très glamour, elles sont plutôt inquiétantes. Tout autant Marilyn Manson que Marilyn Monroe.

MD  Mes Marilyn sont des hybrides de Andy Warhol, Marilyn Manson, Zombie de George Romero, David Bowie, et bien d’autres, en remix(s) non-identifiables. Pour les réaliser, j’ai fait à peu près huit prises de vue, de huit couleurs différentes. J’ai commandé quatre coiffures de Marilyn, ainsi que fait appel à un coiffeur, mais en vain, cela s’est avéré impossible à faire. D’une couleur à l’autre, on passait d’un univers à l’autre : le Gothique, le carnavalesque, le maladif, le clown triste, etc. Je voulais faire une série sur la mort de l’icône.

ML  Vous incarnez la mort de l’icône ?

MD  L’icône est morte, il n’y a personne à l’intérieur. Moi je ne suis qu’un prétexte, un spécimen pour une analyse psychopathologique de l’image warholienne, et avec elle de la société du spectacle avec ou sans Guy Debord. Il ne fallait donc pas que ce soit grotesque. Mais pas non plus trop froid. Il fallait que ça reste ambigu, sans chercher à faire un pastiche de Warhol.

ML  Pourquoi avoir choisi Marilyn Monroe en particulier ?

MD  Elle a fait plusieurs films dont Ses grands succès incluent Les hommes préfèrent les blondes (1953), Sept ans de réflexion (1955) ou encore Certains l’aiment chaud (1959) qui lui vaut le Golden Globe de la meilleure actrice dans une comédie en 1960. Warhol utilise des photos de Marilyn Monroe tirées d’un magazine et elle devient une icône. Je pense que Marilyn Monroe est plus connue par les sérigraphies de Warhol que par ses films. On retient l’image, mais on ne sait pas vraiment qui elle est, en termes de culture populaire. C’est comme la pochette de disque du Velvet Underground : sans la banane dessinée par Warhol, pas de Velvet Underground. Warhol est, pour moi, un philosophe de la consommation. C’est du « Absolute Merchandising », pour reprendre Jean Baudrillard une fois encore. Andy Warhol crée (peut-être à son insu, ou non) le marché et le système de l’Art.

ML  Il y a aussi la question de l’authenticité.

MD  C’est un double jeu. Un double « je », de l’identité de l’artiste. Quand on le copiait, Warhol disait : « oui surtout copiez-moi ! ». Il se mettait dans une position d’antithèse de l’artiste, un copyright ouvert, un droit d’auteur fondu. Son obsession, c’était la célébrité.

ML  On retrouve ici l’une de vos propres préoccupations.

MD  Absolument. Je travaille beaucoup sur le fake, qui est plus fort que faux en français. Le fake est réel. Mes fake-drawings par exemple, pourquoi ne pas les faire digit print ? Parce qu’il faut que cela reste des dessins. Des copyrights fondus. J’ai fait fondre un Schtroumf pour une de mes sculptures. Où est le copyright ? Dois-je quelque chose à la veuve Peyo ? On peut y identifier la silhouette et la figure du Schtroumpf, mais il devient imperceptible de son copyright !

ML  Dans la série que vous exposez à la Design Station de Liège, le caractère graphique est plus manifeste que dans vos précédents dessins. On n’est pas du tout dans une image lisse, fidèle au réel.

MD  C’est une espèce de fake sensibility. En dessin, on parle souvent de nuances. J’adore faire de fausses nuances. On m’a parfois dit, à l’occasion de certaines de mes expositions, au sujet de mes dessins : «Messieurs Delmotte, vous dessinez très bien, il y a une grande sensibilité dans votre trait». Vous trouvez, vous ? Moi non, je trouve ça très insensible. C’est un fait FAKE !

ML  Comment s’articule la question de l’icône et la question du faux, deux questions warholiennes, dans votre travail ?

MD  L’icône n’est pas fausse, elle est fake. Car le fake, c’est comme le vrai. L’icône appartient à la mémoire collective, qu’elle soit vraie ou fausse. Mais elle est (pré)fabriquée, donc déterminée à se faire passer pour vraie.

ML  Autre grand sujet de Warhol qui revient dans votre travail : la valeur de l’art.

MD  Quand on a de l’argent, soit on investit dans le lingot d’or, soit on achète de l’art. L’œuvre d’art donne un standing, une intelligence artificielle. En tant que membre de l’artisterie – je suis membre de l’artisterie, n’est-il pas (!?) –, je me dois d’être dans l’obligation d’analyser tout cela de très près, hum !

ML  Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à l’argent ?

MD  L’art est directement relié à l’économie. Souvent les marchands vous disent « ça n’était pas assez cher » quand c’est vendu ! Quand ça n’est pas vendu : « c’était trop cher » (!?). Pour « l’artiste », tout cela est très étrange. C’est l’art qui m’a amené à réfléchir à ce qu’était l’argent, car je n’y connaissais absolument rien en argent, avant de faire de l’art, curieux, non ? La vie artistique est une vie d’insécurité, on est forcé et obligé d’y réfléchir. Parfois, on s’imagine l’art comme une affaire de sensibilité, façon, figure mythique, Vincent van Gogh, époque où le marché économique d’aujourd’hui n’était pas. On s’imagine qu’on doit souffrir pour l’art, euh !? Des artistes qui pensent comme cela sont perdus par avance, j’en ai vu tomber beaucoup, croyez-moi ! Quand on veut être artiste aujourd’hui, il faut réfléchir à ce qu’est l’argent, à la place de l’économie dans la pratique artistique. Et je crois qu’à ce sujet-là, Warhol est le philosophe n°1.

ML  Tout n’est pas joyeux dans l’économie.

MD  Nous avons ici les « Happy Days » 60’s avec Andy Warhol. Tout le monde est heureux, « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », dixit Jean Yanne, c’est entendu ! Les publicités entrent dans les téléviseurs dans les salons familiaux. Moulinex, la femme au foyer est très heureuse. Il y a un mixeur pour faire de la soupe. Tout le monde est HAPPY ! On invente le crédit aussi. On fait des prêts. Et puis s’ensuit une crise économique, dans la décennie citée. Vous savez ce qu’est une carte de crédit : ça vous dévore le mois suivant de votre menue monnaie. Je trouve qu’Andy Warhol annonce cela, la question de ce qui est plus-value et/ou « moins-value », voire inflation.

ML  Parlons un peu d’humour. Willem de Kooning aurait dit à Warhol « Vous tuez l’art, vous tuez la beauté, vous tuez même le rire ».

MD  C’est exactement cela, bravo (!?), Willem de Kooning. Warhol a un humour « déceptif », froid. Les gens trouvent cela beau, donc décoratif à souhait(s), je dirais, incertain(s). Mais il y a aussi ses peintures « camouflage », hyper morbides. Il n’y a rien ! Mao, Marilyn, Elvis, etc. Tout autant, il n’y a rien non plus ! Icône funéraire obsessionnelle formidable, donc, une critique de société aiguë.

ML  La notoriété de Warhol est sans doute due tout autant à son personnage qu’à ses œuvres.

MD  Ce que je déteste le plus au monde, c’est le terme personnage. Nous ne sommes pas des Mickey Mouse et Walt Disney est toujours cryogénisé, je crois. On dit de Warhol qu’il « jouait un personnage ». Je ne le pense pas. Il « s’excentrise », s’extrait de la société, pour mieux l’observer, comme par absence. Se décentre de cet anonymat dit de masse qui suit la voie qu’on lui indique, pour ce droit à la différence. Il retourne toute cette situation, d’une façon factuelle, voire conceptuelle. La Factory était d’ailleurs une forme de protection de cette différence, presque un rassemblement familial des différents. David Bowie, Klaus Nomi avec son maquillage façon Bauhaus, Alan Vega, tout petit, avec ses hauts talons : Warhol adorait ça. Et il en a influencé ces artistes, je pense. Peut-être que l’on peut le considérer comme une incidence, sur Woodstock et le mouvement de libération sexuelle (dites !?), car il s’agissait aussi d’une correspondance à la création du préservatif, de la pilule contraceptive, tiens, tiens (!?), du consommable !

ML  N’y a-t-il pas là encore un lien avec votre travail ? Incarner une forme d’asociabilité, dans votre cas dans l’espace public.

MD  Dans la vie aussi ! Je suis costumé, comme cela, tous les jours, « L’habit fait le Moine » disait Jacques Lacan. Mais attention, ça n’est pas se démarquer pour se démarquer. Ce serait ridicule. On est ainsi parce qu’on est différent. C’est une incarnation. On l’est ou on ne l’est pas. Warhol est une incarnation. Et cela est étrange. C’est là le point sensible de son travail, inexplicable, philosophique. Pourquoi cette personne a-t-elle besoin d’être comme ça ? Pourquoi cet être vivant a des cheveux de type artificiel, par exemple ? Une position presque de l’ordre d’une mythologie personnelle, dont nous ne saurons, sans nul doute, jamais rien !

ML  Parmi les dessins présentés dans l’exposition, l’un est un hommage amusé aux boîtes de soupe de Warhol. Sauf qu’il s’agit là d’une boîte de tomates en conserve…

MD  Oui, dont le titre est « Surrealism doesn’t exist / Tribute to Salvador Dali » – 2019. Il s’agit donc d’un double hommage, Andy Warhol et Salvador Dali, oui, avec Warhol, nous revenons à du concret, le surréalisme devient un vague à l’âme. Dali, c’est une autre forme d’excentricité. Je veux être comme je suis, j’ai le droit à cela, ce qui est très difficile à faire dans le monde actuel. Dali fait des peintures dans lesquelles il se moque de son propre travail. Il se met en danger en permanence, prêt à affronter le monde avec ses capes et sa moustache. Il a également eu une relation avec Ultra Violet, une amie très proche de Warhol justement. Il fait venir un aquarium avec des homards dans sa suite, il la déshabille, et il lui aurait mis des homards sur son corps nu. Quand elle lui demande de la prendre, il répond « non, c’est parfait, pour Dali ! » et il s’en va, all simply ! Dali était complètement allumé. C’est pour cela que j’ai voulu les mettre tous les deux dans la même boîte, si j’ose dire.

ML  Dali, c’est aussi l’artiste-personnage public par excellence…

MD  Quand avons-nous inventé le « vernissage » ? Et pourquoi ? Le public arrive. On regarde un dessin. Et (?), on vous regarde vous, l’artiste. Et vous devenez représentatif de l’artiste mythifié. Aujourd’hui, quand on est artiste, on rase plutôt les murs. C’est beaucoup plus difficile à défendre, socialement. Dans les années 30, Dali et/ou Picasso, pour ne citer que ceux-là, s’étaient affirmés par l’ego, c’était nécessaire à l’époque. Aujourd’hui, si vous arrivez et faites cela à un vernissage, on vous flingue tout de suite. Il faut donc trouver d’autres stratagèmes, qui sont encore plus liés à l’argent et à un contexte stratégique, quasi mafieux.


ML  Je pense en vous écoutant à l’une de vos performances les plus fortes, Champagne and Maggots. Vous vous versiez des asticots vivants dans la bouche en guise de célébration de l’ouverture de l’exposition. Un doigt d’honneur aux sociabilités de vernissage.

MD  Se rincer la bouche au champagne était quand même un grand honneur. Tout le monde était sorti, il n’y avait plus que les asticots dans la salle. Ils se sont glissés partout. On en a retrouvé des mois plus tard, sous forme de mouches, hum !

ML  La gêne et l’inconfort sont au cœur de votre pratique. Mettre en évidence un corps gênant dans l’espace public. Tout en faisant rire pour que ça n’en devienne pas une gêne méchante.

MD  C’est exactement cela. J’ajoute que la performance, il faut en permanence et tout le temps l’assumer. C’est à prendre ou à laisser. C’est une œuvre d’art transitoire. Sculpter le regard des autres. Chez Warhol, il y a une science de l’effet produit sur le spectateur.

ML  Dans le film Sixty-Six Scenes from America, on voit Warhol manger un hamburger en silence pendant plusieurs minutes.

MD  Le timing exact pour manger un burger. Est-ce que vous vous rendez compte de l’état performatif de la chose ! Cela n’est pas rien de le faire accepter par une production, un réalisateur, de trouver de la place pour cela dans un film. C’est une vraie mise en porte-à-faux, dans un espace-temps du réel, là, à ce moment-là, totalement fascinant.

ML  On touche à la question de la temporalité de la performance. On connaît peut-être quelques secondes du film, on connaît l’image d’Épinal, mais a-t-on a regardé la scène dans sa totalité ? Si on se prête au jeu, on fait l’expérience du temps qui s’étire et se dilate.

MD  C’est précisément cela que Warhol met en évidence : l’espace-temps psychologique de chacun. Est-ce que je vais tenir le coup de regarder quelqu’un qui mange un burger en silence pendant 4 minutes et 27 secondes. Tout coïncide dans l’œuvre de Warhol, son être, son attitude. Lars von Trier disait que le cinéma s’arrête là où la réalité commence. Je crois que Warhol, qu’il passe à l’image ou non, abolit toute différence entre cinéma et réalité. Marilyn Monroe = Coca Cola. Cinéma = réalité. La réalité, c’est du cinéma. Warhol est majeur en ce sens-là.

ML  Il brouille les frontières.

MD  Je crois que le rôle de l’artiste, c’est cela : les artistes se doivent d’éviter d’être des douaniers et/ou de rester dans un rôle quelconque d’une copie d’eux-mêmes.

ML  Il se passe quelque chose d’analogue dans certaines de vos vidéos : on se demande à quel point tout ça est artificiel, on se demande si le public est complice.

MD  Il ne l’est jamais. Parfois, il y a mise en danger. J’ai pris des poings sur la figure, je me suis fait gifler. Parfois, la caméra tremble de peur. Mais j’aime travailler sur le vivant des autres, sur le réel des autres.

ML  Dans le même temps, certaines performances ont lieu sans public.

MD  Il y a des moments où c’est simplement urbain. Dans l’espace urbain, tout est tracé. On peut faire avancer sa voiture quand le feu passe au vert. J’avais fait une vidéo où j’attendais, avec un marteau, à côté d’un feu rouge, devant les voitures. Quand le feu est passé au vert, je l’ai explosé avec mon marteau. Ça veut bien dire ce que cela veut dire ! Pourquoi a-t-on décidé que c’était vert ? La police m’a couru après, j’ai dû jeter mon marteau dans l’eau, ce fut épique et rocambolesque.

ML  Le marteau, c’est une constante. Dans une autre vidéo, vous menacez de briser le bocal d’un poisson rouge avec un marteau.

MD  Absolument. Les gens sont d’abord choqués, puis soulagés de voir que je n’ai pas tué le poisson rouge. Ça va, tout va bien.

ML  Revenons sur le titre votre exposition liégeoise.

MD  Le titre est « All you can eat » : buffet à volonté. Je suis grimé en jaune. J’ai fait le lettrage un peu façon Circus. C’est maladif, on se demande ce qu’on a mangé.
Les buffets à volonté… C’est extraordinaire !? On s’y retrouve en famille, oncle « Machin » y prend 17 côtelettes de porc. All you can eat. La quantité est démesurée. On rejoint encore Warhol et la consommation. On a payé, donc on va s’en mettre jusque-là. Le cerveau oublie même qu’il peut contrôler son estomac. Warhol au moins avait le bon goût de ne manger qu’un seul burger.

ML  Un mot, en conclusion, sur la vidéo qui vous met en scène avec un flamand-rose et un casino.

MD  C’était en Flandre. On vendait partout sur la plage ce flamand-rose gonflable. Et il y a ce casino, fréquenté par les gens très fortunés. Il faut savoir que cette exposition est produite par un musée, grâce à des sponsors immobiliers, dont plusieurs étaient liés au casino. C’est à la fois politique et c’est antipolitique. Ostende, c’est là où les personnes âgées riches vont finir leur vie. On est en train de démolir le vieux port d’Ostende pour construire de nouveaux immeubles de luxe, avec des lofts géants face à la mer. Les pêcheurs sont au chômage. Donc devant ce casino, je pars dans tous les sens. Je m’en prends au flamand-rose en plastique. Je n’ai rien à dire là-dessus. C’est comme cela, euh ! Ça pose aussi la question suivante : quel sens aux vacances ? On travaille 11 mois pour aller à la plage ou au casino le 12e mois de l’année.

Messieurs Delmotte falls too – falling into a pond after setting his backside on fire or falling as a result of having sawn off the legs of a chair on which he was sitting, and the list continues, for he falls more than his fair share, falling in pirouettes, falling stupidly, falling philosophically above all, tumbling, sliding, tripping, somersaulting and jumping into the void.

“Where the fall”, Jean-Yves Jouannais wrote about Messieurs Delmotte, “cannot be given its abstract meaning of disgrace (in politics) or devaluation (in economics), but essentially must be seen as an epic capitulation beyond the united resistance of the will”, the idiotic fall is orchestrated to have the body lie down on the road, and remain lying down while projectiles whistle overhead, and jumping to the side enables one to continue fighting the fear of saying “no”.

Messieurs Delmotte devotes himself to substitution ‘re-creation’, as with the numerous prosaic images which he has already transfigured. His works are not self-portraits and even less so transpositions of the designer in one or several fictitious characters(s).

They can merely be described as dissolved identities of an artist, as a sort of rejections or absences of subject.

Home made movies like the compilation Ce qui est Fait le Mal est Fait (‘What’s Done Evil’s Done’) present an aesthetic with no object, considering the work of art simply as a passage, a transitory form transporting our way of looking at behavior, ways of production, and relationship to the world.

The spirit goes ahead of the body, establishing connections, picking up clues even before we have a chance to examine the exhibit close-up.

Between reality and fiction, the one is possibly within the other; perhaps it is one and the same thing that is exploding into a multitude of fragments, dispersing until they disappear. There is an extremely fine line between the prompted scenario and the real sequence of an act.

What would happen if you were to go into your neighbors’ house without their permission, in order to kiss them on the mouth, and ended up really doing it?

As Messieurs Delmotte states: “I do it, I do not know why, but I do it !”